Symétrie

Publié le par La Revue Anima

Une table basse en fonte et faïence de type oriental, un fauteuil large dans lequel j’avais décidé, de longtemps, d’occuper ma place de commensal, un canapé-lit qu’il habiterait entièrement par moulinets de bras et position centrale. L’axe de notre amitié. Une amitié que désormais, je voulais de symétrie centrale. La balle au centre en quelque sorte. C’était le moyen de sortir d’un schéma injustement asymétrique, d’une amitié qui était progressivement devenue pyramidale.
J’éludais à dessein. Nous faisions bande à part depuis plus d’un mois mais chez lui, en position d’explication, en phase de rééquilibre, j’éludais à dessein. Je voulais que ce soit lui qui empoigne le sujet parce qu’en définitive il était l’offensé. Il avait reçu une semaine plus tôt un mail déçu qui souhaitait lui faire rendre gorge. Je souhaitais qu’il meure à la domination pour naître à l’amitié ; je voulais l’éduquer. Il était bien mort mais semblait long à la résurrection ; étais-je allé trop loin ? Avais-je brisé ce qu’il y avait d’amitié dans notre jeu ?
Cette première phase des retrouvailles, je la consacrai à l’analyse ultime des raisons qui me poussaient à visiter l’ami. Quel était mon but ? Quelle serait ma méthode ?
Ce qui devait ressortir de notre entretien devait-il constituer une définition de l’amitié ?
Je jugeais bientôt que l’amitié importait peu. Ce qui importait c’était la miséricorde. D’ailleurs, notre amitié n’avait pas réellement flanché. Ce qui avait flanché c’était la miséricorde mutuelle. Nous avions atteint ce seuil de saturation qui trahit la lassitude, la paresse à la bienveillance, l’horrible sentiment d’avoir compris l’autre. Autant d’entraves à la miséricorde. Pour sceller cette découverte que nous devions faire en même temps, nous avons versé quelques lampées de confidences, libation à une divinité… Une dernière fois nous nous sommes permis de sacrifier à nos vieux démons, c’était aussi pour tester la résistance du sol, comme on frappe le dallage du pied pour évaluer les jointures ou comme on sollicite la bienveillance.
Nous nous connaissions mieux. Nous étions donc amis, non pas à nouveau mais, pour la première fois. Et jusqu’au prochain dépassement du seuil. Celui là serait plus violent encore, il aurait raison ou de notre amitié ou de notre antipathie fondatrice.

 
 
 Thomas Mercier
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