Vivifiés par un serment

Publié le par La Revue Anima

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, à Cambridge, l’attachante personnalité du vieux professeur Dermot Dewagh rassemble quatre étudiants aux personnalités distinctes et bien affirmées. Par la qualité de ses propos, il leur donne la chose précieuse entre toutes : l’hypothèse d’un itinéraire commun en dépit du pire. Le dialogue entre l’un de ces quatre hommes, Georges Saval, et le narrateur, nous livre au début du récit ce programme de vie.

«    Vous savez ce que le vieux Dermot Dewagh nous a demandé de jurer ?
-          Non. Et si c’est un secret, gardez-le pour vous.
-          C’est un secret et vous l’entendrez. Dewagh quitte l’Université et se retire en Irlande. Il veut que le dernier carré continue de lui écrire. Il voit fondre sur le monde la catastrophe prédite par l’Apocalypse. La main tendue au-dessus du poêle à gaz éteint et ridicule comme un totem, nous avons juré de refuser des destins médiocres et de voler au secours les uns des autres quand il le faudra. Dewagh est persuadé que si quatre hommes sur deux milliards d’individus tiennent cette promesse, le monde leur appartient. J’ai juré, mais cela m’a paru puéril, le rêve d’un timide en chaussettes de soie qui n’a jamais quitté ses livres. La guerre qui va nous tomber dessus très bientôt ne laisse pas beaucoup de chances aux serments de ce genre. »

Michel Déon, in Les Poneys sauvages, Gallimard, éd. 1970, p. 41

 
 
 
 
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