Nicodème

Publié le par La Revue Anima

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Au plan moral voilà un homme intègre, il en a la réputation, il fait partie d’un groupe réputé comme tel, c’est un notable qui a une forte culture, qui connaît bien sa Bible.

Dès les débuts de l’Eglise il est évident que les premiers convertis étaient plutôt des gens simples, modestes. Le Christ n’a pas choisi des intellectuels comme apôtres. Mais au bout de quelques années le rayonnement de l’Eglise exige qu’on réfléchisse, c’est ce qui explique pourquoi saint Jean écrit une catéchèse baptismale. Il se trouve en présence de quelqu’un qui en veut, de quelqu’un avec qui on doit donner des précisions nécessaires.

 

Celui qui vient sait malgré tout que c’est mal vu de prendre ainsi contact avec une secte.

On y va de nuit, or la nuit a un double symbole. Il y a la nuit de la peur, ne pas trop se montrer et c’est normal : quelqu’un qui veut se renseigner, qui vient pour une catéchèse, préfère le faire discrètement.

Il vient aussi de nuit parce que finalement il est dans la nuit, et saint Jean va insister là-dessus, reviendra sur le thème de la lumière. Il est évident qu’il veut montrer à celui qui veut le trouver qu’il va devoir émerger de la nuit.

 

Cet homme-là a donc pris les devants ; c’est de sa propre initiative qu’il vient. Jésus a plusieurs fois appelé des gens ; Nicodème Il ne l’appelle pas. « Tu es venu librement, tu prends cet enseignement, mais si ça ne te plaît pas tu peux t’en aller, voir ailleurs. Je ne t’ai pas appelé pour te convaincre, tu viens en recherche alors je vais t’aider ».

 

Or cet homme honnête, il ne se présente pas en état d’infériorité, il commence en disant : « nous savons, je suis au courant, je sais de quoi il s’agit, je voudrai des précisions ». Ce « nous savons » manifeste un homme qui est déjà dans le bain, il est dans le bain de l’Alliance, il connaît sa Bible. Et pourtant la science qu’il a n’est pas une connaissance, la science qu’il possède ne s’est pas manifestée d’une manière vitale, c’est un mort qui vient, il ne vit pas de la vraie vie.

Tu sais beaucoup de choses, mais l’essentiel tu ne le connais pas. Il y a donc une distinction entre savoir et connaître. Nicodème a entendu parler, il se dispose à entendre l’appel de Dieu mais il en est encore très loin. Et de ce qu’il sait il a repéré que les faits qu’il connaît ont une signification cachée : « les signes que tu fais ne peuvent pas venir d’un homme » (III, 2). Or cet homme qui aujourd’hui vient me trouver, ce qui l’a interrogé c’est que les faits et gestes des chrétiens qu’il a vus il ne les a pas expliqué au plan humain ; il y a un secret et c’est ce secret qui en est la signification.

 

Voici un exemple concret pour cet interlocuteur qui connaît bien sa Bible : rappelle-toi jadis au désert, l’invasion des serpents. Qu’est-ce que c’est qu’un serpent ? C’est un animal rampant, c’est un animal qui est à la fois symbole de connaissance, symbole de fertilité, de fécondité, symbole de sagesse humaine (Gn III). Il vient mordre l’homme au plus bas ; il agit à raz de terre. Pour être sauvé on a fabriqué un serpent en airain, et ce serpent d’airain on l’a élevé. Il suffisait de le regarder pour être guéri de la morsure du serpent. Quelqu’un a été élevé, élevé sur la Croix, il suffit de le regarder pour naître et donc être sauvé.

Ta démarche, la seule démarche que tu as à faire : regarde, emplie-toi les yeux de cette parole qui révèle la pensée de Dieu. Regarde et tu seras sauvé. Par rapport à la pensée exprimée par le Verbe j’écoute et je regarde. Par le dynamisme je me laisse agir et j’agis.

 

D’où vient la foi, où me mène-t-elle ? Elle vient de la mort, elle passe par la mort pour aller dans la vie mais il faut plonger dans l’inconnu, il faut plonger dans la mort pour être élevé. Il faudra t’abaisser à demander le baptême : un bain de bébé, un geste qui n’a pas de sens pour un adulte. Tu ne peux pas te baptiser, il faut que tu sois baptisé, donc tu vas redevenir comme un petit enfant. On va te plonger, et puis en ressortant de l’eau par la puissance de l’Esprit tu seras né à une vie nouvelle.

 

Dans cette naissance, étant donné que la foi est un plongeon dans l’inconnu et dans l’inconnaissable, il faut quand même que toi, Nicodème, tu aies une base. La base de la foi, ce sera le témoignage.

Curieusement alors que c’est un dialogue, le sujet qui parle passe au pluriel : « Nous savons et nous témoignons de ce que nous avons vu. Pourquoi ce pluriel ? : il n’y a qu’une communauté qui puisse témoigner pour faire naître à la foi. Nous savons et nous témoignons ; un témoin isolé n’est pas crédible. Seule la communauté peut témoigner pour conduire jusqu’à la foi. Un témoin peut éblouir, enthousiasmer ; un témoin isolé peut vous enraciner dans votre science, va vous convaincre, il ne vous fera pas avancer d’un pouce sur le chemin de la foi. Ce qui va faire avancer sur le chemin de la foi c’est la valeur de signe du comportement des chrétiens en communauté, avec tout ce que cela aura d’imparfait car ce qui devient signe en fait est imparfait.

 

Tu t’es présenté comme un homme droit. Tu respectais la loi et dans le fonds tu espérais bien être jugé digne. Eh bien tu vois, le Fils de l’homme n’est pas venu pour juger mais pour sauver. Tu estimes que tu observes la loi, que tu n’as rien à te reprocher. Bah tu vois : c’est presque dommage parce que tu n’as envie de rien, et pourtant tu es venu avec un désir. Alors il faut que ce désir prenne corps en toi et même si tu ne déplores pas une faiblesse d’ordre moral ce n’est quand même qu’à partir d’un sentiment de faiblesse que tu seras sauvé.

Qu’est-ce que c’est que cette faiblesse ? Eh bien tu vas renoncer à tout ce que tu sais. Cette faiblesse par laquelle tu vas passer c’est au moins cette faiblesse de la croix. Jusqu’à présent tu portais toi-même un jugement sur tes actes et tu te croyais bien, et en fait cela ne t’amenait à rien. Tu en tirais une certaine gloire, tu risquais de t’enfermer dans l’autosatisfaction, autrement dit tu te mettais dans l’obscurité. La lumière, il faudra t’ouvrir totalement pour qu’elle vienne transformer ton comportement. Et « qu’est-ce qui vient à la lumière ? c’est celui qui fait la volonté », pas seulement celui qui la connaît mais qui la fait c’est-à-dire qui la met en pratique, qui veut un comportement parfaitement vrai aux yeux de Dieu. Faire la vérité ce sera laisser la foi engager, dynamiser totalement ton comportement, et ça ce sera une vie de foi, une vie dans la lumière, une lumière qui ne vient pas de toi ; une lumière que tu reçois.

recueillis par A.D.

 

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